Par Didier
Sans parler de quelques essais, dans les années 1870, de véhicules à
deux roues équipés de moteurs à vapeur, on peut dire que l'on doit la
première "moto" à l'ingénieur allemand Gottlieb Daimler.
En 1885 il conçoit un vélocipède muni d'un moteur à combustion interne
fonctionnant au pétrole. Il était équipé de petites roues latérales
stabilisatrices. La société de Gottlieb Daimler deviendra Mercedes Benz.
Au fil des recherches technologiques la fabrication des vélocipèdes motorisés profite des innovations de l'aviation.
La moto et l'aviation ont toujours été assez liées, par exemple le
sigle BMW représente schématiquement une hélice en action car la firme
fabriquait aussi des moteurs d'avion.
Dés 1887, le Français Félix Millet met en fabrication un bicycle équipé
d'un moteur à pétrole de 5 cylindres en étoile, placé dans la roue
arrière.
Le 27 septembre 1892, le chef armurier du 46ème de ligne de
Fontainebleau, Jean Bertoux, dépose un brevet pour un siège de côté
pouvant être attelé sur un vélo, tiens tiens...
En 1894, l'autrichien Hildebrand Wolfmuller commercialise une machine
équipée d'un bicylindre horizontal de 1 490 cm³ et organise le premier
véritable réseau de vente de l'histoire.
Trois ans plus tard, en 1897, les frères Eugène et Michel Werner de
Levallois-Perret, commercialisent un cycle muni d'une motorisation
placée au-dessus de la roue avant auquel ils donnent le nom de
"Motocyclette".
Trouvant ce nom fort approprié, le préfet de Paris de l'époque décide
d'autorité qu'il faudra désormais désigner l'ensemble des véhicules à
deux roues motorisés par "motocyclette". A l'origine Motocyclette est
donc un nom propre, devenu nom générique.
La moto babillait encore que le 20 septembre 1896 eut lieu certainement
la première course, huit pilotes s'affrontent sur le parcours
Paris-Mantes-Paris, route ouverte, pavée et pas de suspensions, 160 km
au total, une vraie épreuve !
Le premier Tour de France Automobile se déroule du 16 au 24 juillet
1899, dix-neuf voitures sont au départ, neuf seulement à l'arrivée.
Vingt-cinq motos prennent également part à l'épreuve qui compte sept
étapes sur 2 500 km.
En 1902 les premières nacelles en osier ou en rotin sont accrochées à
des motos, c'est pour cela qu'on utilise aujourd'hui encore le terme de
"panier" pour désigner les nacelles de nos side-cars
C'est au cours de cette même année qu'un groupe d'amis des environs de
Grenoble crée le "Moto Club Dauphinois", premier moto club français.
Le Moto Club de Nice voit le jour en 1903. Le Moto Club d'Avignon, qui
existe encore aujourd'hui, est le club le plus ancien sans aucune
coupure d'activité, il fut créé en 1904.
La moto est encore réservée aux personnes assez aisées pouvant se
permettre l'achat et l'entretien de machines onéreuses, dont les
consommables sont nombreux.
Pendant le 19éme siècle le mot "club" était réservé aux associations
politiques mais en cette fin de siècle la dénomination "Moto club" est
en droite lignée des clubs hippiques, des clubs de tennis et des clubs
de golf qui sont des sports de compétitions pratiqués à cette époque
par la classe bourgeoise.
Sous l'égide du gouvernement, pour rassembler les participants et
organiser les courses, la Fédération Française Motocycliste est créée
en 1913.
Des compétitions de motos attelées sont organisées dès l'année 1912,
mais le side-car, dont l'évolution a suivi celle de la moto, s'est
surtout fait remarquer au cours de la Guerre de 14-18, où il a été
utilisé comme véhicule de liaison et même d'ambulance.
L'entre deux guerres voit l'explosion des marques françaises et
étrangères, les compétitions reprennent de plus belle, et surtout, les
ouvriers s'emparent de ce moyen de déplacement dont le prix baisse par
effet de l'offre et de la demande.
La voiture est encore financièrement inaccessible pour le plus grand
nombre, les premiers congés payés de 1936 se prennent à vélo, en train
et à moto.
Les motos club sont tous affiliés à la fédération et les compétiteurs
sont obligatoirement licenciés dans un club. Les très nombreux
utilisateurs lambda utilisent la moto au quotidien et ne sont pas du
tout fédérés.
Après la seconde guerre mondiale la moto et le side-car sont encore
très populaires, mais dès les années 50 ils sont concurrencés par
l'arrivée de petites voitures très fiables, confortables et économiques
(2cv Citroen, 4cv Renault etc.. ).
Mes parents, petits employés tous les deux, se sont mariés en 1952.
Pour leurs déplacements ils espéraient au mieux une moto mais, les prix
baissant et l'offre se faisant de plus en plus grande, en 1954 ils
pouvaient se payer une 4cv neuve.
L'industrie motocycliste française subit un contrecoup important, c'est le grand déclin pour quasiment toutes les marques.
Peugeot continuera de produire des cyclos mais connaîtra le
développement économique que l'on connaît grâce à l'automobile, seul
Motobécane en ne se centrant que sur les cyclos tiendra le choc. La
compétition est dominée par les marques allemandes, italiennes et
surtout anglaises.
Vers 1964 commence le renouveau, "les jeunes" ressortent les motos de
leurs grands pères. Les remises en route les obligent à mécaniquer, des
vieux stocks de pièces détachées sont débusqués avec bonheur, les motos
ronflent tous les week-end et les vacances, elles deviennent le symbole
de la liberté pour une génération qui prend à bras le corps le temps
libre qu'offrent désormais les acquis sociaux.
Le bricolage de machines vieillissantes oblige à la solidarité sur la
route car les pannes sont fréquentes, les machines neuves sont des
anglaises ou des allemandes dont la technologie n'évolue pas beaucoup.
A l'image des grandes concentres européennes,
genre "Eléphants" en Allemagne,
des rassemblements sont organisés par les motos club, mais l'obligation
d'adhésion et de la licence pour participer fait déjà monter la grogne
parmi les roule-toujours qui ne veulent pas se faire récupérer
financièrement par la sacro-sainte FFM.
Après la guerre, le marché japonais de la moto est avant tout axé sur
les petites et moyennes cylindrées. Le pays du soleil levant se fait
remarquer en produisant des motos qui font référence sur les circuits,
en moins d'une décennie (1961-1967).
Les constructeurs japonais vont aligner des motos extraordinaires :
Honda 50cm³ bicylindre 4 temps, Honda 250cm³ 6 cylindres 4 temps,
Suzuki 125cm³ 4 cylindres 2 temps.
La CB450 Honda apparue en 1965 est une révolution, c'est la technologie issue de la compétition qui vient sur la route.
Suzuki riposte avec la T500 en 1967 puis en 1969 Kawasaki présente la
500 Mach III. La "tueuse" possède un moteur puissant, un cadre en
caoutchouc et des freins aléatoires. Plusieurs copains de lycée sont
partis chevaucher pour l'éternité avec cet engin.
Trois mois après sa sortie Honda met sur le marché la CB750, la quatre pattes, le summum.
La moto devient un art de vivre, une passion dans une quête de liberté.
Ce petit monde est orchestré par les trop rigides moto-clubs officiels
qui organisent les compétitions et des concentres, et qui n'hésitent
pas à pratiquer des tarifs prohibitifs pour alimenter leurs comptes en
banque, dans une convivialité qui laisse à désirer. Certains parlent
même de racket.
Mais tout ceci va changer, une bande de copains de Clermond-Ferrand
décide de mettre un coup de pied dans la fourmilière et crée le premier
Moto Club Pirate "le MCP des Dragons".
Le mot pirate est très explicite, de tout temps la piraterie s'inscrit
dans la lutte contre l'ordre établi, mais c'est surtout la liberté, la
fraternité, l'anticonformisme et la convivialité qui sont recherchés et
qui doivent primer sur le pognon et le profit.
Le deuxième club à prendre la dénomination de Pirate est le MCP 95 dont le siège est à Enghien dans le val d'oise.
Marie et moi (pour ceux qui ne le savent pas Marie c'est la femme qui
me supporte depuis 44 ans, et oui j'avais 16 ans !), Marie et moi,
donc, habitions à Saint Gratien à 4 km du moto club. Nous prenions
notre 175 Motobécane et nous allions passer la soirée du vendredi à
parler moto et surtout à refaire le monde.
Quand le club faisait une fête, il fallait laisser sa carte grise et ses clefs à l'entrée. Si
Bacchus faisait des ravages, les anciens (ils avaient 25 ans !)
ramenaient les pochtrons chez eux entassés dans un SG2 Renault.
C'était la honte mais c'était la règle : on ne conduit pas bourré en sortant du moto club !
Pour mémoire, alors qu'il n'y avait pas encore de contrôle d'alcoolémie
sur les routes, cette responsabilisation des motards était très
novatrice.
Un très grand nombre de MCP voient le jour très vite, plusieurs
centaines. Ils "organisaient" des rassemblements, c'est à dire qu'ils
fixaient un lieu sans avoir vraiment l'autorisation, et tu venais si tu
voulais.
Il y avait un tas de bois pour t'accueillir et, quelque fois, une trace
de buvette dont la caisse disparaissait souvent comme par enchantement.
Pour les hivernales pareil : "ne te plains pas si tu en as bavé pour venir, personne ne t'a obligé".
C'est dans cet esprit que le MCP 95 se lança dans l'épopée de Millevaches en 1969 sur le mont Audouze.
Avec notre 125 motobécane nous n'avons pas fait cette première
hivernale du club mais, d'après les comptes-rendus que les guerriers
nous ont fait au retour, nous savons que peu de monde est arrivé en
haut, et que certains ont même bouffé leurs économies à l'hôtel ! Mais
cela avait le mérite d'avoir existé.
L'organisation des rassemblements suivants fut un peu plus structurée,
l'armée française a même prêté une dizaine de marabouts équipés de lits
Picot.
Les Motoclubs de la Fédération se repliant sur la compétition,
l'exclusivité de l'organisation des concentres revient de fait aux MCP.
Mais rapidement ce fut l'affluence et des clans se formaient par clubs,
par marques, par régions et quatre voies se sont ouvertes :
La première fut de créer une organisation en béton où les membres du
club organisateurs passaient leur temps au charbon pour le bien être
des autres, marquant aussi les limites du bénévolat.
La seconde fut de réduire le nombre de participants en les recrutant sur invitation.
La troisième, comme l'hivernale qui dure non-stop depuis plus de 50
ans, c'est le Dragon Rally au Pays de Galles, avec le même motoclub et
le même règlement depuis 1962. Les inscriptions sont limitées à 1400 et
le site, tenu secret jusqu'à la veille, change tous les ans.
La quatrième c'est le rassemblement par intérêts communs : marques,
modèles, nationalités des motos, régions, années de fabrication des
motos, etc...
Les années passent, le gouvernement de Giscard d'Estaing décide de
faire payer une vignette au motos : c'est une énorme levée de boucliers.
Le 22 septembre 1978 des milliers de motards investissent la place de
la Bastille, et forment un cortège pour défiler sous les fenêtres des
dirigeants politiques. Dans plus de vingt villes à travers l'hexagone
les MCP s'unissent pour mettre en place leurs premières manifestations.
Les concentres de 1979 deviennent des meetings ou se dressent des listes de revendications :
Abolition de la vignette fiscale, réforme du permis de conduire moto,
tarifs des péages réduits de 40%, amélioration de la sécurité et des
infrastructures routières, opposition à l'augmentation de la taxe sur
les assurances, autorisation de rouler en phare blanc (alors que la
France reste indécrottablement attachée au jaune), boycott de la
vignette d'assurance.
Pour être plus efficaces une grande majorité des MCP se réunissent et
créent la Fédération Française des Motards en Colère. La contestation
pirate a désormais une structure qui la représente et fait front contre
les décideurs.
A la fin de l'année 80, une nouvelle idée pointe, on prend souvent les
motards pour des auto-voleurs de motos, alors la FFMC va monter sa
propre assurance.
François Mitterrand est élu en 81. Comme promis il abolit la vignette
moto et met tout de suite en route la réforme du permis, se rendant
compte du sérieux de ces soit-disant blousons noirs rebelles.
Il pousse son gouvernement à la roue et contre toute attente, une fois
les fonds nécessaires réunis auprès des motards, l'agrément du
ministère des finances est accordé.
On est en septembre 1983. La Mutuelle des Motards, officiellement
dénommée "solidarité mutuelle des usagers de la route" (SMUR) est née.
Aujourd'hui il reste encore plus de 200 moto clubs pirates, beaucoup se
rattachent encore à cette Histoire et perpétuent la tradition.
Quelques uns, par contre, se sont refermés sur eux mêmes et sont franchement devenus intégristes.
Certains MC, tout en étant bien intégrés dans la FFM, se sont ouverts
aux rouleurs et organisent des rassemblements dignes des meilleurs MCP.
Tous les cas de figures sont donc possibles, les barrières sautent doucement, tendant vers une convivialité élargie.
Mais certains gardiens du temple veillent. S'ils tirent dans un sens
rassembleur je pense que cela ne peut être que fidèle à l'esprit des
fondateurs. Mais si le résultat de leurs actions divise et oblige à
faire des choix sans bases objectives, je pense que c'est contraire à
l'esprit même des MCP.
PS : Je n'ai pas parlé des
mouvements internationaux et français des Hells Angels et Bandidos...
Si vous vous intéressez à ce phénomène très à part, je vous conseille
le rapport de François Haut, de l'institut de Criminologie Université
de Paris II (Panthéon - Assas) 160 pages de PDF.
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