Comment ont ils donc fait pour tenir par -50°C

De WikiDneprUral.

par Philippe "Loriot" LABBÉ


MAIS COMMENT
ONT-ILS DONC FAIT
POUR TENIR PAR -50°C ?


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AVERTISSEMENT


Le présent document concerne les dispositifs de chauffage qui furent utilisés durant le dernier conflit mondial, pour équiper les motos et side-cars de la Wehrmacht et de l’armée finlandaise, dans un cadre militaire.

A ce titre et compte tenu des RISQUES SÉVÈRES D’ASPHYXIE DES INDIVIDUS par les gaz d’échappement, IL NE FAUT ABSOLUMENT PAS LES UTILISER A TITRE CIVIL .

L'auteur décline donc toute responsabilité en cas d'utilisation des données historiques figurant ci-après à des fins de réalisation matérielle, partielle ou entière, des dispositifs décrits.


-oOo-


Sommaire

GENERALITES

Pendant la campagne de Russie, un dispositif de chauffage fut livré par l’usine Triumph Werke Nürnberg A.G. (Allemagne), depuis l’automne 1942 en vue de permettre aux motocyclistes de résister au froid intense. On sait que durant l’hiver 41-42 la température descendit à -50°C (cf. Max GALLO « 1942 » ed. XO 2012 page 138).


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0 - Le sigle de Triumph Werke Nürnberg A.G.
Photo: Droits réservés


Ce dispositif ne donnait pas une entière satisfaction pour le chauffage des pieds du pilote. Néanmoins, les allemands commandèrent 12000 de ces ensembles à l’usine Triumph. Il semble que pour des raisons diverses (manque de pneumatiques par exemple) environ 8500 motos seulement aient été équipées (Campagnes de Russie, ainsi que celles livrées à l’armée finlandaise).

Quatre types de motos en furent équipés : Les BMW R12/R75 et les Zündapp KS600/KS750, toutes attelées avec un side-car. Un document comportant une liste de pièces détachées et des illustrations permettait le montage de ce dispositif.

L’ensemble de cet équipement – voir photos 1 et 2 - était constitué :

- D’un réseau de tubes souples d’acier annelé – boas agrafés – alimentant les divers dispositifs de diffusion de la chaleur (des gaz d’échappement), pour la moto et le side-car,

- D’un tube transitant dans la nacelle du side-car, maintenu entre les lames de bois du caillebotis,

- Des raccordements nécessaires au circuit d’échappement de chaque cylindre, à savoir brides intermédiaires ou soudures directement sur les tubes d’échappement,

- De dispositifs réglables distribuant la chaleur au pilote et au passager du side-car



01EQUIPEMENT COMPLET.jpg

1 Pièces détachées de l’équipement : ensemble side-car et alimentation des circuits.
Photo: Site R12 central

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2 Pièces détachées de l’équipement : Un diffuseur de chaleur au guidon pour chaque branche. Ici pour la poignée gauche.
Photo: Site R12 central

LEGENDE des photos 1 et 2 :

1- Serpentin situé dans la nacelle du side-car,

2- Bride intermédiaire droite à trois dérivations, munie d’un diaphragme,

3- Bride intermédiaire gauche à deux dérivations, munie d’un diaphragme,

4- Manchons,

5- Deux tambours coniques (diffuseurs) réglables de chauffage des pieds gauche et droite,

6- Silencieux conique réglable situé à la sortie de la nacelle du side-car,

7- Tôle de protection située dans la nacelle du side-car,

8- Deux diffuseurs de chaleur au guidon (voir photo 2).

Cet équipement était livré « prêt à monter » pour l’équipement des attelages dans les unités motocyclistes. Par la suite, le chauffage fut fourni « de construction » pour les R75.

L’ALIMENTATION DES DIFFERENTS CIRCUITS DE CHAUFFAGE

Le réseau de tubes qui alimentaient les différents équipements de chauffage était constitué de piquages en tube d’acier. Le prélèvement des gaz d’échappement était effectué à la sortie de la culasse par deux procédés :


- Soit on intercalait une bride intermédiaire entre bride d’origine du tuyau d’échappement et culasse (voir Photo 4, pour les Zündapp et R12),

- Soit on soudait ces piquages directement sur le tube d’échappement (voir photo 5 pour la BMW R75).


Les circuits de chauffage étaient établis de la manière suivante :


A) Circuit d’échappement gauche :

- 1 circuit pour la main gauche du pilote,

- 1 circuit pour le pied gauche du pilote.

B) Circuit d’échappement droit :

- 1 circuit pour la main droit du pilote,

- 1 circuit pour le pied droit du pilote,

- 1 circuit pour la nacelle du side-car, pour les pieds du passager


Afin de permettre la latitude de manœuvre du guidon ou de la suspension de la nacelle du side-car, on montait sur les piquages des tubes souples d’acier annelé appelés aussi boas agrafés. On aperçoit sur les photos 11 et 12 l’arrivée de ces tubes aux diffuseurs pour le chauffage des mains.


- Pour les Zündapp et les BMW R12, les diaphragmes dont étaient munies les brides intermédiaires, permettaient de réduire le passage des gaz transitant dans le tube d’échappement de chaque cylindre. Ainsi, une partie des gaz était déviée dans les circuits connexes, et circulait plus ou moins selon les réglages demandés par le pilote ou le passager.

- Sur l’échappement des BMW R75, le piquage était constitué de tubes insérés diamétralement par soudure (voir photo 6 pour la BMW R75). Ces tubes rapportés étaient munis d’un trou favorisant la répartition de la circulation dans les différents circuits.


03alimentation culasse zundapp.jpg

3 Sur cette image on distingue assez bien la bride intermédiaire gauche d’une

Zündapp KS 750. Cette bride est munie de deux départs :

- Un départ alimentant vers le haut le tube souple du diffuseur (main gauche),

- Un départ alimentant vers le bas le cône de chauffage (pied gauche).
Photo: Extrait manuel de montage


LEGENDE de la photo 3

1 Tube du collecteur d’échappement,

2 Tube d’échappement gauche,

3 Tube du cadre,

4 Bride d’échappement d’origine,

5 Joint d’échappement,

6 Goujon de fixation,

7 Bride intermédiaire d’échappement.

4 Brides intermédiaires
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4-1 Bride intermédiaire gauche
Photo: photo site R12 central
4-2 bride intermédiaire droite
Photo: photo site R12 central

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5 Photo d’une relique de BMW R75. On distingue parfaitement le piquage soudé sur le tube d’échappement droit avant le collecteur primaire.
Photo: Giovanni Bianchi

06extraction des gaz circuits BMW.jpg

6 Sur cet agrandissement on distingue les piquages réalisés par soudure sur les échappements des BMW R75.

1 – Sur le tuyau d’échappement droit : 3 piquages,

2 – Sur le tuyau d’échappement gauche : 2 piquages.
Photo: droits réservés


L’EQUIPEMENT DE LA NACELLE, POUR LE PASSAGER DU SIDE-CAR

Une dérivation était pratiquée sur la bride du tube d’échappement droit :

- Une jonction en boa souple agrafé liait ce piquage à l’entrée de la nacelle, à un serpentin parcourant le fond, entre les lames du caillebotis.

- Une tôle de protection recouvrait la partie entrant dans la nacelle en vue de protéger le circuit flexible (afin d’éviter des brûlures à la jambe gauche du passager ?).

La température augmentait seulement sous les pieds du passager évitant la gelure des pieds. A la sortie de la nacelle, l’extrémité du circuit était munie d’un « mini silencieux », sorte de tambour conique à débit réglable.

Le passager du side-car, assis à l’angle droit, avait une circulation sanguine des jambes coupée par la pliure des artères fémorales. Les gelures des pieds étaient nombreuses et il fallut trouver une solution à cet inconvénient physiologique***

L’utilisation de ce dispositif nécessitait la fermeture sommaire de la partie supérieure de la nacelle avec le couvre tonneau et une portière, convenablement adaptée, en vue de limiter l’arrivée de l’air froid dans le nez du side-car.

Portière** : voir ici, sur le site de l’amicale Dnepr-Ural de France*

      • C’est un des principaux motifs pour lesquels le passager du side-car a toujours plus froid que le pilote, qui lui est « actif ».

07montage et nomenclature.jpg

7 Le circuit de chauffage situé dans la nacelle du side-car, montage et nomenclature
Photo: Extrait du manuel de montage


LEGENDE de la photo 7

- 1 Caillebotis d’origine,

- 2 Boa en tube d’acier annelé et agrafé,

- 3 Lames de bois du caillebotis,

- 4 Barre d’appui des pointes de pieds,

- 5 Serpentin en acier,

- 6 Sortie d’échappement à droite, munie d’une plaque de réglage,

- 7 Raccordement de l’échappement au serpentin, à la sortie de la nacelle,

- 8 Lames aménagées pour le maintien du tube,

- 9 Collier de fixation,

- 10 Plaque de protection,

- 11 Partie avant du serpentin,

- 12 Barre d’appui en « T » permettant de bloquer le tube,

- 13 Sortie du cicuit (voir 7 ci-dessus),

- 14 Lames aménagées pour le maintien du tube (voir photo 8),


Nota : Remarquez que les caillebotis vendus actuellement sont toujours fabriqués avec un repose-pied avant taillé en « T ».



08circuit de chauffage side bmw R75.jpg

8 Le circuit de chauffage de la nacelle du side-car d’une BMW R75. Quelques dispositifs de chauffage ont été retrouvés sur des attelages ayant effectué la campagne du sud de l’Italie. Il est probable que ces machines étaient celles d’escadrons motocycliste du front de l’est.
Photo: Giovanni Bianchi

09 cotation sorties side.jpg

9 La Localisation des entrées et sorties du serpentin

- En haut : Entrée, à gauche de la nacelle,

- En bas : Sortie à droite de la nacelle.
Photo: Extrait du manuel de montage

10muffler sortie side.jpg

10 Le silencieux réglable situé à la sortie de l’échappement côté extérieur droit de la nacelle (voir également planche 17).

- 1 Sortie munie d’une plaque de freinage des gaz,

- 2 Plaque de réglage perforée.
Photo: Extrait du manuel de montage

NOTA : Le trou d’évacuation des condensats (situé en haut de la plaque de freinage sur la photo 10) était disposé en bas au moment du montage.


L’EQUIPEMENT DE LA MOTO

    • 4-1 POUR LES MAINS DU PILOTE


Sur l’échappement gauche ou droit, on trouvait les dérivations - piquages - alimentant les circuits de chauffage pour les mains et les pieds du pilote.

Chacune de ces dérivations était raccordée à un boa souple alimentant les dispositifs de diffusion de la chaleur (des gaz d’échappement).


Les diffuseurs main gauche et main droite
11diffuseur vue de dessus.jpg
12diffuseur vue de dessous.jpg
11 Vue de dessus
Photo: Giovanni Bianchi
12 Vue de dessous
Photo: Giovanni Bianchi


Ces diffuseurs débitaient les gaz d’échappement sous la main du pilote, à l’intérieur de manchons montés sur le guidon. Sans ces manchons, le système n’aurait eu qu’une très faible efficacité.


13moto equipee de manchons.jpg
14 moto equipee de diffuseurs.jpg
13 Ici une BMW R75 en livrée beige équipée de manchons
Photo: Giovanni Bianchi
14 Une BMW R75 équipée de diffuseurs au guidon (Non munie de manchons)
Photo: Collection particulière


    • 4-2 POUR LES PIEDS DU PILOTE

Sur ces motos, les piquages sur les tubes d’échappement gauche et droit débouchaient dans des tambours coniques, sorte de silencieux sommaires munis d’un entonnoir réglable diffusant les gaz d’échappement – mélangés au vent relatif - directement sur les pieds du pilote.

Le tambour conique se terminait par une face équipée d’une plaque perforée réglable. Les trous de sortie (à surface variable) permettaient de piloter le débit des gaz – donc l’intensité du chauffage - en tournant cette plaque perforée.

En tournant cette plaque vers la gauche on augmentait le débit et la tourner vers la droite fermait le circuit.

LE CHAUFFAGE DES PIEDS
15muffler sortie pieds.jpg
16sortie pieds BMW.jpg
15 Silencieux réglable destiné à réchauffer les pieds du pilote. Ces deux tambours coniques étaient raccordés sur les piquages de l’échappement au moyen d’un tube rigide.

- 1 Diffuseur conique,

- 2 Plaque perforée réglable.
Photo: Extrait du manuel de montage
16 Pour les pieds… ici sur une BMW R75.
Photo: Extrait Site R12 Central

NOTA : Ce dispositif monté en porte à faux était fixé avec des colliers sur le cadre, en vue d’éviter les criques dues aux contraintes vibratoires.


COMMENTAIRE

On peut s’étonner de la rusticité du dispositif utilisé par l’armée allemande pour les campagnes de guerre effectuées en hiver. Quand on sait que lors de l’hiver 41-42 les températures en Russie atteignirent – 50° (voir aussi §1 alinéa 4)*, on comprend qu’il fallut faire vite pour éviter que les motocyclistes soient atteints de gelures (et elles furent le principal allié de Staline, un des atouts qui contribuèrent au destin de l’opération Barbarossa) pour les motifs exposés au § 3 (voir *** § 3).

Ceci peut ( ?) expliquer la simplicité du dispositif, car indubitablement l’ensemble du système contribuait à « l’intoxication » du pilote (et du passager) surtout lorsque la machine était au ralenti. On ne se souciait pas de ces questions qui ne seraient jamais acceptées à notre époque, même pour un véhicule militaire.

  • - 37°C le 2 Février 1943 à la reddition de l’armée Paulus (cf. Max Gallo "1943" ed. XO p. 40).


DOCUMENTS DIVERS

CONSTITUTION POUR LA BMW R75

20 bmw r75.jpg

17 Planche extraite du catalogue de pièces détachées de la BMW R75
Photo: Doits réservés

On distingue bien sur la planche 17 le raccordement des dérivations soudées sur les sorties d’échappement. Trois dérivations pour l’échappement droit et deux seulement pour le gauche.

Parenthèse : On notera que pour toutes les motos livrées à l’armée finlandaise, il n’y avait pas de chauffage prévu pour le pilote (pieds et mains), mais seulement des manchons. Seul le side-car était équipé d’un chauffage.



18couverture.jpg

18 « Motos allemandes en guerre » (couverture) Ici une KS750 Zündapp équipée de chauffage
Photo: Doits réservés

19planche zundapp panorama.jpg

19 Extrait du manuel de montage pour la Zündapp KS750
Photo: Extrait du manuel de montage
20bmw r75 en operation.jpg
21R75 sans side.jpg
20 Moto équipée de diffuseurs, BMW R75 en opération (non munie de manchons).
Photo:Doits réservés
21 Vue côté droit une BMW R75 dernier modèle sans side-car. Elle est munie des dispositifs de chauffage « pieds et mains ». On aperçoit la prise de force de la transmission du side-car.
Photo: Doits réservés

22bmw r75panorama.jpg

22 Sur cet agrandissement de la photo 21 on distingue bien les différents dispositifs de chauffage « pieds et mains ».
Photo: Doits réservés
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BIBLIOGRAPHIE et SOURCES PHOTOGRAPHIQUES

A) « BMW 750/275 (R75) Evoluzionne negli anni di guerra 1941-1944 », P 109 à 111. De Giovanni Bianchi, ed. Giovanni Bianchi, 2007,

B) Site internet “R12 Central”,

C) Ulrich Lörcher sen., Hans Jurgen, und Peter Oberholzer : “Erstzteilliste Juni 1944. ed 2009”,

H) « Les motos et la guerre », P175 Jacques Borgé et N. Viasnoff, ed. Balland 1976,

I) « Motos Militaires de 1900 à 1970 » p123 Patrick Negro, ed. E-T-A-I,

J) Photos de collection privée.

Terminé le 25/02/2013
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